Le droit d'action collective des travailleurs et des employeurs, qu'est-ce que cela signifie ?
Dans plusieurs articles de presse, tels que "Audi Brussels won't get new model ; unions : 'This means plant closure'", "Conflict at Audi Brussels : unions return 303 'hostage' keys", "Audi Brussels closes plant until staff are ready to return to work : 'Management seeks direct confrontation with workers'", révèle que les employés d'Audi Brussels ont récemment décidé d'une action collective spéciale. Mais l'employeur réagit également.
Les employés d'Audi Brussels ont appris que le groupe Volkswagen n'attribuera pas de nouveau modèle à l'usine. En réponse, ils ont refusé de commencer à travailler le mercredi 4 septembre, après une période de chômage économique. Ils ont bloqué la route menant à l'usine et ont "confisqué" les clés de 200 voitures fabriquées en guise de moyen de pression. La direction a alors menacé de déposer une plainte pénale. Le dimanche 8 septembre au soir, la direction a annoncé que les portes de l'usine resteraient fermées jusqu'à ce que le personnel soit prêt à reprendre le travail normalement. Les travailleurs seront contraints de rester chez eux sans être payés. Les syndicats examineront s'il est possible d'obtenir des allocations de chômage pour un chômage temporaire dû à un cas de force majeure et si le lock-out peut être légalement contesté par l'employeur.
Les événements autour d'Audi Brussels illustrent une tendance plus large : partout en Europe, les conflits sociaux se multiplient. Il convient donc de préciser un peu plus les contours du droit d'action collective des employés et de l'employeur Audi, en particulier la légalité du retrait des clés de voiture et la légalité du lock-out ou de la fermeture par l'employeur Audi.
Droit d'action collective des travailleurs et des employeurs.
Le droit fondamental à l'action collective des travailleurs et des employeurs, en particulier les formes d'action les plus courantes que sont la grève et le lock-out, repose sur une base juridique solide, l'article 6, paragraphe 4, de la Charte sociale européenne révisée (CSE) et l'article 11 de la CEDH sur la liberté syndicale. Ces deux traités ont été conclus dans le cadre du Conseil de l'Europe. Le droit de grève fait partie des principes juridiques généraux de l'Union européenne (arrêt Laval, ov. 91).
Les limites du droit d'action collective
La question n'est pas de savoir quel est le fondement, mais plutôt quelles pourraient être les limites du droit d'action collective. Ces limites découlent largement Les résultats sont issus de deux sources de droit : la convention collective et la loi nécessaire dans une société démocratique pour protéger les droits et libertés d'autrui, l'ordre public ou la santé publique (art. 6 ESH et art. 11 CEDH).
La CLA
Les accords sur le maintien de la paix sociale concernant le contenu de la convention collective, par exemple sur les salaires minimums à payer et les préavis de grève, sont conclus dans les conventions collectives. En outre, l'octroi d'une prime syndicale dans une convention collective dépend souvent du maintien de la paix sociale dans le secteur ou l'entreprise.
Restrictions légales ? Extorsion ? Vol.
Le droit de grève n'est pas absolu. Les limitations du droit d'action collective des travailleurs en ce qui concerne les grèves purement politiques, les grèves dans le secteur public comme le système pénitentiaire et les chemins de fer, l'exécution du droit d'intérêt public en temps de paix, ainsi que les restrictions découlant de la libre circulation des services et de la liberté d'établissement au sein de l'Union européenne pour les actions transfrontalières, ne sont pas abordées ici.
Lorsque l'action collective implique des actes incriminés par le code pénal ou une loi pénale spéciale, par exemple, le droit de grève peut être limité. En effet, ces dispositions pénales ont pour objectif la protection de l'ordre public (supra n° 3). Un exemple bien connu est la sanction des militants grévistes qui bloquent malicieusement les voies publiques, les chemins de fer ou les voies navigables en violation de l'article 406 du Code pénal (voir l'arrêt de la Cassation du 7 janvier 2020, P. 19.0804.N).
Le retrait temporaire des clés de quelques centaines de voitures Audi fabriquées, appartenant à Audi, par des employés ou des responsables syndicaux contre la volonté du propriétaire afin d'exercer une pression dans le cadre d'un conflit collectif peut également être considéré comme une infraction pénale et, plus précisément, comme un vol, même si le retrait n'a qu'un caractère temporaire. Ce délit est sanctionné par
de l'article 461 du code pénal. Si c'est un ou plusieurs employés qui se sont approprié les clés, il s'agit d'une forme de vol à domicile, qui est puni par l'article 464 du code pénal. Le syndicat lui-même échappera à la danse criminelle en raison de l'absence de personnalité juridique. Si les clés sont rapidement restituées à la direction d'Audi, les chances d'une poursuite pénale efficace sont certes faibles, étant donné qu'une restitution remédierait à la situation et qu'une situation remédiée peut constituer un motif de licenciement.
Il se peut qu'il n'y ait pas eu d'extorsion criminelle au sens de l'article 470 du code pénal, car la pression, la "menace" que les activistes voulaient exercer avec le vol, à savoir la perte de centaines de voitures, n'a pas conduit à des concessions de la part d'Audi. En outre, les clés ont apparemment été rendues entre-temps.
Et le lock-out d'Audi ?
Afin de garantir l'exercice sans entrave du droit de négociation collective, l'article 6, paragraphe 4, de la CSE, qui a un effet direct, reconnaît aussi explicitement le droit des employeurs à prendre des mesures collectives en cas de conflits d'intérêts, sous réserve des obligations découlant des conventions collectives conclues antérieurement. Il s'agit du droit au lock-out par l'employeur, en vertu duquel les employés ne sont pas autorisés à travailler et n'ont pas droit à un salaire. Là encore, la loi peut limiter le droit au lock-out.
Les lock-out sont inhabituels en Belgique, contrairement à ce qui se passe par exemple en Allemagne. À première vue, Audi, une entreprise allemande, a parfaitement le droit de procéder à un lock-out. Non seulement une grande partie de la main-d'œuvre était en grève, ce qui montre clairement un conflit d'intérêts. En outre, le retrait des clés des voitures Audi finies est un "acte de guerre" plutôt qu'une grève. L'indignation de la direction d'Audi est compréhensible. Enfin, il est probable qu'il y aurait eu trop peu de travailleurs volontaires pour reprendre la production, de sorte que l'employeur s'est trouvé dans une situation de force majeure.
En conclusion. Un arrêt mal motivé de la Cour suprême du 7 mai 1984, qui a imposé des restrictions considérables à l'exercice du droit de lock-out, est obsolète parce qu'il contredit la reconnaissance générale du droit de lock-out à l'article 6, paragraphe 4, de la CSE, dont la disposition conventionnelle s'est avérée par la suite avoir un effet direct et donc prévaloir sur les dispositions de la loi de 1948 sur les prestations d'intérêt public en temps de paix, telle qu'interprétée dans ledit arrêt de la Cour suprême.
Conclusion.
Il n'appartient pas à des personnes extérieures de juger de l'opportunité des droits d'action collective des travailleurs ou des employeurs. L'industrie en Belgique, et l'industrie automobile (bus) en particulier, sont depuis longtemps en grande difficulté. Avant de prendre des mesures radicales, on peut peut-être attendre le résultat de la procédure légale d'information et de consultation en cas de projet de licenciement collectif ou de fermeture de l'entreprise. Ensuite, des négociations sur un plan social pourront être entamées.
